Cette exposition, qui a demandé un an de recherche et mobilisé les ressources et souvenirs de nombreux Saint Barths, puise dans des sources jusqu’alors inexplorées pour mettre au jour une foule de documents inédits qui permettent de se faire une meilleure idée de la construction de cette fameuse villa communément appelée Villa Rockefeller, de son esthétique, des défis liés à sa construction, de son impact sur la population locale et des différents degrés d’innovation dont elle a pu être la tête de pont à une époque où il n’y avait pas de résidences secondaires sur l’île. En 1957 quand David Rockefeller (1915 – 2017) achète le terrain de Colombier il représente ce que l’Amérique a de plus riche, l’incarnation d’un certain capitalisme industriel et financier. Héritier d’une famille connue pour ses capacités économiques et son influence politique, éduqué dans les meilleures écoles de la Nouvelle Angleterre, c’est un homme moderne, actif, mais étonnement simple dans ses rapports humains qui tombe amoureux de Saint Barthélemy et de ses habitants. Et qui n’aura qu’une obsession à partir de ce moment : protéger cette île qu’il aime de la spéculation hôtelière, du développement des resorts qui fleurissent alors partout dans les Antilles et des dégâts d’un progrès trop rapide qui tuerait le charme fragile et simple du lieu.Nelson Aldrich (1911 – 1975), l’architecte du projet, est lui aussi un homme résolument moderne. Cousin par sa mère de David Rockefeller les deux hommes se connaissent bien et s’apprécient depuis longtemps. Nelson Aldrich, troisième du nom, est issu d’une lignée moins riche mais presqu’aussi prestigieuse que son illustre cousin. Un grand père sénateur du Rhode Island, un père architecte pour la plus haute société de la Nouvelle Angleterre, lui aussi est passé par les meilleures écoles : dans son cas la Harvard School of Design, où il étudie sous l’enseignement conjoint de Marcel Breuer et de Walter Gropius, deux des architectes les plus influents du 20ème siècle. Et comme son cousin c’est aussi un homme de réseaux, qui les mets au profit de la communauté, comme en témoignent par exemple ses participations à de nombreuses associations culturelles de Boston.La villa qu’ils imaginent tous les deux est un exemple remarquable d’architecture moderniste, un style dit International rare dans la région. Mais ce n’est pas un bâtiment dogmatique mais en équilibre : à la fois un hommage au local à travers son parement de pierres mais aussi une ode à la révolution des techniques de construction permises par le béton.Avec ces deux hommes c’est la modernité architecturale qui fait soudainement irruption à Saint Barthélemy. Dix ans plus tôt De Haenen avait pour la toute première fois posé son avion sur la savane de Saint Jean puis ouvert l’hôtel Eden Rock. L’île s’ouvrait à nouveau au reste du monde et pouvait écrire une nouvelle page de son histoire.