La Pointe, Gustavia, 97133 St Barth - FWI
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EPOQUE POST-COLOMBIENNE

LES PREMIERS ST BARTHS

Dans un monde qui, au fil des découvertes, s’avère bien plus vaste, St Barth semble destinée à demeurer déserte, du moins silencieuse…mais jusqu’à quand ?

 Le premier colon à y faire du bruit en accostant, est Pierre Belain d’Esnambuc. 

Ambitieux et brillant, autoritaire et bon diplomate, l’homme devenu corsaire dans l’espoir de faire, ou plutôt, de refaire fortune, arrive en 1625 à St Christophe (aujourd‘hui St Kitts). L’île déjà occupée par les anglais commandés par Warner, sera « l’île mère » quant au peuplement de certaines des petites Antilles, notamment St Barthélemy. D’Esnambuc retourne en France en 1626 et revient un an plus tard à St Christophe en tant que gouverneur de la Compagnie de St Christophe. Une Compagnie fraichement créée sous l’impulsion du principal actionnaire, le cardinal Richelieu. 

D’un commun accord – un traité unique, stipulant une non-agression franco-britannique, même en cas de guerre officielle -, français, anglais et caraïbes se partagent l’île de St Christophe, dans une atmosphère tendue en raison des rivalités et différences, mais stable. Une paix toute relative car les indiens dont l’instinct féroce se ravive au fil des jours, ont préparé un plan d’envergure avec près de 4000 Caraïbes, dépêchés des îles voisines, dans le seul but d’exterminer tous les colons présents. Sans la trahison d’une Caraïbe qui partageait la couche de d’Esnambuc et qui le prévient, notre histoire aurait été bien différente. Français et Anglais réussissent donc à repousser dans le sang, les Caraïbes et à contrecarrer leur funeste dessein.

 

 Les colonies arborant fleurs de lys et léopards, connurent un court répit, les Espagnols entrant en jeu. Ces derniers tiennent à faire le ménage dans ces « cayes », repaires de corsaires et de pirates, et intiment à tout ce petit monde de St Christophe, l’ordre de quitter l’île. Nous sommes en 1629 ! C’est à cette occasion que d’Esnambuc décide de laisser quelques hommes sur la petite île peu hospitalière de St Barthélemy. Une date qui marque le séjour, quoique temporaire, des premiers colons européens à St Barth. Ils sont Français et montrent peu d’enthousiasme face à ce petit « rocher », d’un certain charme certes, mais où tout reste à faire ! 

Dès le départ des Espagnols, d’Esnambuc « rapatrie » tous ses exilés à St Christophe. Suivent quelques années difficiles menant à la dissolution de la Compagnie de St Christophe. Le Cardinal Richelieu qui n’est pas le dernier des dupes, crée alors en 1635, pour donner plus de ressources à ses hautes ambitions, la Compagnie des Isles d’Amérique. Cette nouvelle Compagnie facilitera le confort du gouverneur d’Esnambuc ainsi que les échanges (exportation du tabac cultivé notamment) avec la métropole.

Pendant ce temps, St Barth désertée, retombe dans sa monotonie, rompue épisodiquement par la présence des pirates, corsaires, flibustiers et boucaniers, qui apprécient la baie discrète de Carénage (aujourd’hui Gustavia).

Après la mort de d'Esnambuc, emporté par la syphilis en 1637, c'est le commandeur de l'Ordre des Chevaliers de Malte, Philippe Longvilliers de Poincy, qui prend en 1639, le poste de Lieutenant Général des Iles d'Amérique. Selon Du Tertre, il décide d’occuper St Barthélemy en 1648 dans un but stratégique et y envoie Jacques Gante avec 52 hommes pour une installation qui se veut définitive. La même année signe la fin de la « Guerre de trente ans » en Europe et le début de la Fronde en France. 

Mais ce ne sont nullement des préoccupations majeures pour cette nouvelle communauté insulaire qui a fort à faire pour assurer sa survie. Dans un grand dénuement, ces hommes, sous la houlette de Gante et du sieur Bonhomme débutent leur aménagement et plantent dans la terre aride de St Barth manguiers, citronniers, orangers et arbres à pain. L’île, certainement moins sèche et plus boisée qu’aujourd’hui, permettait également la culture du manioc, de l’igname, du malanga et du produit d’exportation principal, le tabac.

En 1651, la compagnie française, au bord du bilan et face à la menace espagnole, décide de vendre ses possessions à l’Ordre des Chevaliers de Malte. L’Ordre maintient son commandeur de Poincy à la tête de St Martin (pour moitié) et St Barthélemy, jusqu’à sa mort en 1660. Cet épisode explique la présence de la croix de l’Ordre des Chevaliers de Malte au centre de l’actuel blason de St Barth.

St Barth poursuit son développement, sans être affectée par les tractations lointaines des pouvoirs. En 1653, on dénombre 170 blancs, 50 esclaves et des cocotiers pour seules richesses. Ils aspirent à des jours paisibles mais la désillusion est de taille lors d’une nuit tragique. Certaines sources indiquent que les Caraïbes qui s’étaient montrés discrets jusque-là, auraient, au départ de St Vincent et de la Dominique, attaqué un soir de 1656 et massacré la colonie de St Barth. Les têtes en guise de trophées et d’intimidation auraient été placées, dit-on, sur des piques sur la plage de Lorient. Les rares survivants au carnage auraient fuient à St Martin et à St Christophe, laissant St Barth, à nouveau dépeuplée.

 Il faudra patienter jusqu’à la signature de la paix avec les Indiens en 1660 et s’en remettre à la ténacité de de Poincy, pour que St Barth, à nouveau habitée par une poignée de colons, renaisse de ses cendres. La tâche est rude et la vie n’est pas moins pénible au soleil. 

Pendant ce temps, le roi Louis, 14ème du nom, s’emploie à ériger en ses terres de Versailles une résidence à nulle autre pareille, où la grandeur et l’opulence se disputent le regard admiratif des courtisans.

En 1665, année qui marque le rachat de St Barthélemy à l’Ordre de Malte par la Compagnie des Indes Occidentales, le père Dutertre recense une centaine d’âmes sur l’île. Ces hommes, d’origine normande et bretonne en majorité, se nomment Aubin, Bernier, Gréaux... Ce ne sont pas des saints, et en rejoignant St Christophe, puis St Barthélemy, ils s’étaient, pour d’aucuns, éloignés des dettes, des galères ou de la potence, promises en Europe. Ainsi débute l’histoire des premiers St Barths !

LE PEUPLEMENT DE SAINT-BARTH

On parle d’un temps où les navires sillonnaient les mers, où les aventuriers cherchaient des terres inconnues, où les empires européens se disputaient le monde. C’était au XVIIe siècle et le peuplement de Saint Barthélemy était à ses origines. Les écrits des premiers chroniqueurs laissent penser que les conditions de vie étaient extrêmement rudes. Seuls les plus coriaces, et ils l’étaient, s’accrochaient à cette terre hostile avec l’envie farouche de ne pas la quitter. En 1671, le premier recensement fait état de 85 maîtres de cases, 3 veuves maitresses de cases, 47 femmes mariées, 53 garçons, 43 filles, 15 serviteurs artisans, 8 serviteurs blancs, 36 servantes, 25 noirs, 15 négresses, 6 neigrillons pour un total de 336 habitants, dont 290 blancs. Près de 45% des maîtres de cases n’étaient pas mariés. Les esclaves, présents dès les premiers établissements, étaient en minorité et travaillaient la terre aux côtés des blancs. Ils n’en étaient pas plus libres pour autant, mais la situation était sans doute quelque peu différente de celle des autres îles. Avec un cheptel de 16 boeufs, 60 vaches, 25 veaux et une bourrique, St Barthélemy espérait pouvoir se développer un peu plus, malgré l’absence cruelle d’un élément crucial : l’eau. Cette légère croissance s’est traduite par une progression relative du nombre d’habitants. En 1681, on compte ainsi 379 résidents, puis 410 l’année suivante, et 448 en 1686. Dans le recensement nominatif, en date du 18 juillet 1681, on note des noms qui font encore écho à d’autres, plus contemporains, tels que : Corosol, Vitté, Pierre Legrand qui sont devenus des odonymes, des noms propres désignant un lieu. Ou encore des noms de famille comme Aubin, Bernise (peut-être Bernier), Greau (au singulier ?) qui ont pu évoluer dans leur orthographe au fil des années, et qui restent d’actualité au 21ème siècle. Au terme de la même décennie, on trouve également d’autres, à l’instar de Questél, Laidé, de Laplace, Devé, Berniér, Gruau. A la fin du 17ème siècle les différents recensements prenaient en compte les hommes et garçons portant des armes, les engagés, les filles à marier, les veuves, les religieux, religieuses, les infirmes, les mulastres, les nègres, négresses, négrillons, les filles au-dessus de 12 ans, les filles nubiles, les esclaves, les sauvages/ sauvagesses esclaves, les vieillards hors d’état de servir…autant de critères inacceptables pour notre société actuelle, mais qui ne soulevaient sans doute à l’époque que peu de remarques ou de censures, à l’aube du siècle des Lumières. De 1681 à 1765, la population décrut un peu et stagna autour de 448 à 371 habitants. De la mère patrie et plus particulièrement de l’ouest, les insulaires conservent les empreintes du parcellaire à travers les murs en pierre, du costume (la calèche, aussi apparentée à la quichenotte) et des éléments de langage, dont certaines tournures et intonations demeurent inchangées jusqu’à nos jours. En 1744, les anglais prirent d’assaut l’île, arguant qu’elle était un refuge pour les corsaires français qui s’attaquaient à leurs navires. Les corsaires anglais saccagèrent St Barth, détruisant gaïacs, citernes et puits, ne laissant derrière eux qu’une trentaine de rescapés. Les autres furent déportés, mais leur détermination était inébranlable et ils revinrent inlassablement. Les recensements suivants nous apprennent que la démographie progresse pour atteindre 749 âmes dès le début de 1785, à l’arrivée des suédois. Durant ces temps tumultueux, les Saint Barths durent faire face à des vents contraires. Tiraillés par les enjeux internationaux à l’instar de la Guerre de sept ans ou celle de la Ligue d’Augsbourg, menacés par les flibustiers des mers, ou simplement las des difficultés du quotidien, d’aucuns s’exilèrent. Pourtant, malgré les obstacles, les liens qui les unissaient à leur terre étaient trop forts. Leur coeur battait pour cette petite île ingrate, balayée par les tempêtes mais ô combien chère à leurs yeux. Ils revinrent donc. Et ainsi, malgré les vicissitudes de l’histoire, Saint-Barthélemy resta la leur. Un joyau rugueux et précieux, façonné par les mains laborieuses de ses fils et filles les plus courageux.

Illustrations réalisées par M.Stanislas Defize et tirées du livre Histoire de St-Barth

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