Après presque un siècle sous la couronne suédoise, St Barth est de nouveau sous la souveraineté française. Cette présence ranimée par la Rétrocession se fait pourtant sentir davantage par son absence, laissant l’île dans l’oubli des préoccupations de l’administration centrale française.
Le 11 Octobre 1878, le Gouverneur de la Guadeloupe et dépendances, nomme une commission administrative composée de quinze membres, chargée de gérer temporairement les affaires municipales de l’île. Monsieur Hippolyte Duchatellard est désigné pour présider cette commission.
La même année, un arrêté du Gouverneur de la Guadeloupe, stipule « que les droits de douane, les droits de sortie et plusieurs autres impôts directs et indirects ne seront pas perçus dans l’île, en raison de la situation malheureuse de ses habitants ».
La vie sur l’île est difficile, chaque jour apportant son lot de défis. L’absence notoire de l’état français est en partie compensée par le rôle de l’Église. L’abbé Morvan introduit le latanier vers 1890, encourageant ainsi la fabrication de chapeaux et d’autres produits en paille. L’initiative donne naissance à un vrai savoir-faire, un art de la vannerie qui, avec le temps, sera reconnu au-delà des frontières de l’île, devenant un patrimoine culturel local.
Puis, la Grande guerre, qui devait être la « Der des ders », frappe à la porte, emmenant les fils de l’île sur les champs de bataille. Certains reviendront marqués, d’autres ne reviendront pas. Les noms de ceux qui donnèrent leur vie pour la France sont gravés dans la pierre du monument aux morts.
Pour prier pour la protection des soldats partis au combat, et plus tard, pour ceux engagés dans le 2ème conflit qui suivra, de petites chapelles voient le jour dans quelques quartiers.
Cette guerre renforce, autour de ses rendez-vous radiophoniques hebdomadaires à la mairie pour écouter « les nouvelles du front », un sentiment communautaire soutenu et laissera des histoires, transmises par tradition orale, qui vivotent dans la mémoire collective.
Les langues parlées reflètent leur disparité : le créole souffle au vent, tandis que le patois se niche sous le vent. La ville garde ses accents d’influence anglaise.
Vers 1918, une nouvelle figure émerge sur l’île en la personne du révérend père Irénée de Bruyn, originaire des Pays-Bas. Il œuvrera pour le bien-être de la population et permettra par sa persévérance, la création de nombreux édifices tels que l’église de Colombier - en utilisant la caye à chaux extraite de la mer -, l’école Ste Marie, des citernes, ou encore l’hôpital qui porte toujours son nom.
La vie se poursuit à St Barth, exténuante, intraitable. Les habitants, familiers de la pauvreté et des privations, chérissent pourtant leur lopin de terre, en appréciant les petits riens. Ils font preuve d’un courage exemplaire, renforçant un peu plus l’identité des Saint Barths. Cette marque distinctive, sinon déposée, de la population locale se traduit également à travers les assertions suivantes.
Au-delà des cérémonies et des messes, les occasions sont rares pour se vêtir de façon élégante. Les enfants, en dehors de leurs responsabilités quotidiennes, disposent de peu de temps pour jouer.
La voile demeure indissociable de l’histoire de l’île, et dans les années 20, la marine a le vent en poupe, avec des sloops et des goélettes dont les noms résonnent encore à l’esprit de bon nombre.
En l’absence de moyens de conservation, on met du sel dans son existence. A partir de 1925, les carreaux de Saline sont mis en service et on récolte le sel.
Saint-Barthélemy semble somnoler, discrètement. En réalité, elle poursuit sa petite vie laborieuse trouvant la valeur dans l’honneur et les principes, en savourant les délices des petites choses.
Dans les premières lueurs des années trente, St Barth abrite quelque peu plus de deux mille âmes. L’écume d’une économie trop chétive continue d’envoyer hommes et familles vers d’autres rivages, comme ceux de Saint-Thomas, à la recherche d’emplois stables. Le progrès, lentement, amorce sa marche.
La Seconde Guerre Mondiale, qui n’a rien de « drôle », éclate sur le continent, transformant l’Atlantique en enjeu stratégique. Les jours s’égrènent dans le rationnement, ce nouvel ordinaire des Saint-Barths. L’heure est à la débrouille, comme souvent ! Les sous-marins allemands frôlent nos rivages, sillonnent nos eaux. On raconte même qu’ils se ravitaillent dans la baie de Fourchue. À deux reprises, des rescapés américains s’échouent sur nos côtes insulaires après avoir été torpillés par un U-boot.
Après l’orage des combats, une ère nouvelle éclos. Saint-Barth se dévoile davantage au monde, par la mer dans un premier temps, grâce aux marins aguerris et à la flottille de voiliers locale, qui alimentent l’île en biens essentiels. Ils tissent aussi les liens du commerce vers d’autres terres de la Caraïbe, favorisant les échanges.
Puis par les airs ! En 1946, Rémy de Haenen pose pour la première fois un avion à St Jean, sur ce qui n’était qu’une savane quelque peu chaotique abritant une mare et quelques cabris ébahis. Cet homme aux multiples visages, tour à tour marin, armateur, hôtelier accueillant la jet-set, devient une figure incontournable de Saint-Barth, gravant de son empreinte cette terre, tout comme l’aéroport qui aujourd’hui porte son nom. Du titre de conseiller général, il accède à celui de maire, et en 1964, remet personnellement au Général de Gaulle une pétition, visant déjà à obtenir l’autonomie de l’île. Avec cet acteur clé et d’autres encore, tant sur l’échiquier économique que politique, les progrès technologiques, tels que l’électrification, s’insinuent peu à peu.
Concomitamment, l’île, longtemps éclipsée, languissant dans l’obscurité du dénuement, commence à attirer des personnalités de renom à l’image de David Rockefeller ou d’autres grandes fortunes américaines, subjuguées par l’enchantement et la simplicité de ce petit coin de paradis. C’est en 1956 que Rockefeller investit à Colombier. Héritier d’une grande famille, c’est un homme moderne, actif, et d’une simplicité déconcertante dans ses rapports humains. Tombé éperdument amoureux de Saint-Barthélemy et de ses habitants, il a dès lors un objectif : protéger cette île de la spéculation hôtelière et des affres d’un progrès trop véloce qui tuerait le charme fragile et humble de l’endroit.
Au fil de ces décennies, la population évolue peu. Deux mille trois cents âmes, guère plus, cheminent sur les sentiers et chemins de l’île, et un peu plus d’une centaine de voitures les y convoient.
Dans les campagnes, le schéma familial se dessine ainsi : tout jeune homme atteignant l’âge adulte, selon des principes implicites d’honneur et de responsabilité a pour dessein initial, la construction de sa case pour y accueillir son foyer. Les hommes, sont au travail, ici ou ailleurs, selon les opportunités d’emploi. Les filles se font gardiennes des fratries, bras secourables et bien utiles dans les labeurs du quotidien. On leur confie responsabilités et devoirs. Quant aux femmes, elles sont tout simplement exceptionnelles ! Elles sont souvent mères et endossent toutes les charges : qu’il s’agisse d’aller chercher l’eau, de nourrir les bêtes, de cultiver la terre ou de veiller à l’instruction, à la cuisine, aux menues besognes domestiques... Les habitants de manière générale sont fiers, accordent leur confiance sans trop de réserve, mais ne tolèrent point l’iniquité.
Ainsi, l’île ouvre à nouveau ses bras au reste du monde, prête à écrire une page inédite de son histoire. Le tourisme de luxe s’établit, et deviendra désormais la principale richesse de l’île. Les années soixante-dix, témoins de ce tournant vers la modernité, cimentent les fondations de l’évolution fulgurante de Saint-Barthélemy.
Exceptée l’année 1975, marquée par les «événements» - une forme d’insurrection populaire, sur fond de santé publique et de politique, qui pousse la population dans les rues, paralyse l’aéroport et nécessite une intervention militaire – rien ne semble entraver l’avancée inexorable du progrès, désormais en marche et destiné à changer la face de l’île.
Au début des années 80, on se souvient des soirées, scandent d’aucuns. Le temps est un peu plus à l’insouciance, marqué par les avantages et les nouveautés qui accompagnent le tourisme. St Barthélemy compte alors un peu plus de trois mille habitants. L’évolution de l’île est véritablement impressionnante, et s’inscrit, non sans un certain décalage, dans le sillage des avancées technologiques qui conquièrent le globe. Les foyers accueillent le téléphone, la télévision, puis internet fait son apparition. Les familles ressentent les effets de l’afflux des visiteurs à travers l’emploi, le sport et l’économie. L’impact des voyages et de l’enseignement pour lequel les enfants se scolarisent à l’extérieur de l’île, offrent de nouvelles promesses.
St Barth poursuit son inexorable ouverture au monde, progressant et s’épanouissant sous des formes diverses. Les compteurs démographiques franchissent le seuil des 5000 habitants en 1990. Le tourisme est l’atout premier de l’île, entraînant naturellement la multiplication des infrastructures. Une nouvelle voie s’ouvre, où la construction ne connaîtra plus de trêve, visant à offrir toujours plus de services.
En figure de proue de la destination qui tend à s’imposer comme un modèle unique, Bruno Magras se distingue par un rôle politique majeur, étendu sur plusieurs décennies. Successivement maire puis Président, il guide l’île, dans la continuité des efforts entrepris par les générations d’élus antérieures, vers de nouveaux horizons.
Commune rattachée au département de la Guadeloupe depuis 1946 – sous l’administration du maire Alexandre Magras -, Saint-Barthélemy pâtit d’un statut inadapté à son éloignement géographique, à son histoire singulière et à sa population atypique. Cette condition communale se révèle d’ailleurs incohérente face aux particularités fiscales et douanières héritées de l’ère suédoise de l’île. Ce régime dérogatoire, bien que de facto, demeure juridiquement fragile.
L’idée d’un statut spécifique pour Saint-Barthélemy germe de manière précoce, dès les années 60, alors que les prémisses d’un essor prometteur se faisaient sentir.
Cette impulsion se matérialise lors des élections municipales de juin 1995. La nouvelle majorité menée par son maire B. Magras est élue avec un programme plaçant clairement l’évolution statutaire au premier plan.
Le 7 décembre 2003, les citoyens de Saint-Barthélemy sont consultés sur la perspective de créer une nouvelle collectivité d’outre-mer : avec une participation de 78,75 % des électeurs inscrits, le « Oui » triomphe à 95,15 %.
Enfin, au terme d’un processus législatif, la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 voit le jour. Le 1er juillet, ont lieu les élections territoriales, et le 15 juillet 2007, le Conseil territorial de la nouvelle Collectivité se réunit pour la première fois, portant Bruno Magras à la présidence. La même année, on recense 8 595 âmes à St Barth et la croissance démographique ne semble pas prête de s’arrêter.
Saint-Barthélemy cesse ainsi d’être une commune de la Guadeloupe pour devenir une collectivité, embrassant ainsi l’autonomie, intégrant outre les compétences de la commune dont elle disposait déjà, celles du département et de la région. Cette nouvelle entité attire encore et toujours.
Son passage effectif se fera le 1er janvier 2012. Saint-Barthélemy perd son statut de RUP de l’Union européenne pour s’ériger en pays et territoire d’outre-mer (PTOM). Les normes européennes n’y sont plus applicables, hormis pour les règles monétaires, bancaires et financières. L’Euro demeure la monnaie en vigueur.
Au fil de ces années, Bruno Magras est reconduit largement à chaque élection à laquelle il participe. Néanmoins, l’évolution, quels qu’en soient les traits, révèle des aspects multiples qui mettent en lumière les limites de l’île. Les ouragans comme Luis en 1995 ou Irma en 2017, forcent la résilience des hommes et repoussent encore les limites de l’île, accentuant l’urbanisation déjà galopante.
À l’heure des préoccupations climatiques, du développement durable et des répercussions néfastes du progrès, l’île est confrontée à de nouveaux défis. Un tournant politique se manifeste de manière tangible lors des élections territoriales de 2022, avec l’émergence d’une nouvelle majorité au pouvoir, dirigée par Xavier Lédée !
St Barth, où cette même année on recense près de 11 500 résidents, ainsi que 17 000 véhicules pour seulement 21 km2, s’ouvre ainsi à une ère nouvelle. L’île se trouve, comme par le passé, à une époque charnière, et entame un nouveau cycle aux enjeux toujours singuliers.
Horaires Ouverture
Lundi : Fermé
Mardi Mercredi Jeudi : 8h30 - 12h45 15h-19h30
Vendredi : 8h30 - 12h45, 15h - 19h30
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